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Yarou Dia

Suivez mes aventures d'étudiante sage-femme française en immersion dans une maternité sénégalaise.

Garde du 08 février 2016

As salam alaykoum ! 

Etant donné le manque d'activité dans le centre de santé où je me trouvais, le médecin-chef m'a orienté vers l'équivalent du CHU le plus proche du centre. 

Je vais vous raconter avec autant de détail que je peux ma première garde dans ce CHU où les patientes et les accouchements s'enchainent sans répit.

Dés mon arrivée vers 8h30 du matin, on accueille une 2éme geste (=2éme grossesse) avec un abdomen très prohéminent (on l'appellera Mme GG). Après interrogatoire et lecture de son carnet de santé (qui est l'équivalent du dossier obstétrical, mais il s'agit en faite d'un carnet pour la mère et son bébé) on découvre qu'il s'agit d'une grossesse gémellaire. A l'examen clinique du col de l'utérus on sent une présentation du siège décomplété (= le bébé se présentait en mode "fesses"). Je ne vous cache pas que j'étais très heureuse de savoir qu'il s'agissait d'un siège étant donné que je n'en avais encore jamais fais jusqu'à présent. Je me suis au passage auto-congratul pour avoir réviser mes manoeuvres du siège la veille... ;-)

La patiente était très inquiéte mais elle a su très bien géré ses douleurs et j'ai essayé d'être présente auprès d'elle autant que je le pouvais. 

Aux alentours de 9h30 nous accueillons avec la sage-femme une primigeste de 17 ans (!!) pour début de travail avec une hauteur utérine élèvée (37 cm au lieu de 32cm à ce terme là) (appelons la Mlle M). Nous poussons l'examen clinique et il s'avère que c'est un excès de liquide amniotique (après la recherche du signe du flot qui était positif et signe du glaçon qui était également positif). Ici les primigestes mineures (entre 14 et 17 ans) sont assez fréquentes étant donné que les jeunes filles sont mariées très tôt et elles ont leur premier moyen de contraception après l'arrivée de leur premier enfant.

Mes deux patientes sont alors transférées en salle de pré-travail (il s'agit d'une salle où 4 lits sont côte à côte séparés par des paravents) où elles sont vus toutes les heures par les sages-femmes pour évaluer l'avancée du travail.

Vers 12h Mme GG passe en salle de naissance (qui est une grande salle avec 4 tables d'accouchement séparées par des paravents), elle est à 8cm sur un siège fixée. On s'installe pour l'accouchement (enfin... quand je dis "on s'installe" on enfile une paire de gants non stérile et on prépare deux clampes et un ciseaux) vers 12h20. 

12h32 le premier jumeau est né après un accouchement réalisé par la sage-femme, non sans violence sur la parturiente (qu'elle n'hésite pas à engueuler quand elle prend une pose pour respirer entre deux efforts de poussée...). L'enfant avait un Apgar que j'aurais coté à 5/10 (mais la sage-femme l'a coté à 8/10), j'ai dû faire une réanimation toute seule étant donné que la 2éme sage-femme était occupée sur une urgence et ma première sage-femme attendait la sortie du 2éme jumeau qui était lui aussi en siège. Je ne vous raconte pas le stress que j'avais... surtout que je connaissais pas le matériel que j'avais en face de moi. J'ai fini par trouver après de longues secondes comment utiliser "l'aspirateur" pour l'aspiration. Après avoir séché, stimulé et aspiré (cela a duré entre 3 et 5 minutes qui m'ont paru les plus longues de ma vie... seule face à cette enfant hypotonique. Je n'avais jamais autant invoqué l'aide d'Allah !!) l'enfant fini par retrouver des couleurs et à crier. J'aurais bien crié avec lui, mais il fallait que je retourne auprès de la patiente pour le 2éme siège que la sage-femme me laisse faire (Dieu merci !! =D). Le 2éme bébé est dans un état encore plus léthargique que son frère... Je lui aurais donné 4/10 d'Apgar... mais ça valait un 7/10 pour la sage-femme ... Rebelote je m'en vais faire une réanimation toute seule sur la même table où j'ai pris en charge son frère, avec le même matériel (économie oblige......). Il a été plus long à récupéré, j'ai donc crié qu'on vienne m'aider sur la réa... La 2éme sage-femme arrive (de la démarche des sénégalaises... nonchalentes et pas préssée du tout... mon agitation a coté d'elle paraissait exagéré). On réanime ensemble l'enfant... enfin, elle prend l'enfant par les pieds et lui met la tête en bas en le tapant sur les fesses... Je suis restée bouche bée pendant cette réa sans rien pouvoir dire... L'enfant a récupéré, a prit des couleurs et a crié (tu m'étonnes ! J'en aurais fais autant si j'avais été suspendu par les pieds et fessé O.O). J'ai quand même fais un examen clinique (morphologique et neurologique) des deux bébés pour évaluer s'il n'y avait pas eu trop de dégats et ils allaient tous les deux très bien !

 

Garde du 08 février 2016
Garde du 08 février 2016
Garde du 08 février 2016
Garde du 08 février 2016

Trop d'émotions... miais ce n'était pas fini. Ma parturiente de 17 ans était très très stressée et effrayée. Dés qu'elle ne criait pas de douleurs je m'installais à côté d'elle afin d'essayer de lui expliquer la physiologie du travail et de l'accouchement. J'ai notamment insisté sur le fait qu'étant donné qu'il s'agissait de son premier enfant cela pourrait être très long. Je l'ai massé, on a respiré ensemble. On a également beaucoup marché ensemble (des kilomètres...). Par son jeune âge elle me rappelait ma petite soeur et cela me brisait encore plus le coeur de la voir souffrir... Je l'ai trouvé à la fois très fragile mais aussi très solide... Dés que j'ai pris le temps de lui parler et de la rassurer elle est devenue très calme et a trouvé la force en elle pour s'auto-calmer et gérer ses contractions de phase de latence. Elle n'aura pas accouché durant cette garde et ses contractions se seront intensifiées avec des phases de repos plus ou moins longues (entre 5 min de répit à plusieurs heures).

Ma journée a surtout était marqué par ces deux patientes. J'ai vu beaucoup d'urgences, également des aspirations suite à des fausses couches avec rétention (ici ceux sont les sages-femmes qui font les aspirations... dans la salle de naissance, sans anesthésie générale, sans antibiothérapie per-opératoire). J'ai également essayé d'être la plus présente possible pour les parturientes en souffrance en salle de pré-travail, ce qui a d'ailleurs un peu fait sourire mes sages-femmes qui n'arrêtaient pas de me dire que j'étais trop empathiques avec les patientes... (parce qu'elles, les cris et les parturientes qui s'auto-flagellent, ça ne les impressionne plus, moi ça me boulverse). 

J'ai également fais de nombreuses sutures d'épisiotomie... La première suture les deux sages-femmes et les infirmières m'observaient comme pour me dire "Tu penses pouvoir suturer? On va voir ça". Quand elles ont vu que ça allait plutôt pas mal elles m'ont laissés en total autonomie sur les sutures de déchirures comme d'épisiotomie. D'ailleurs en terme de suture ici la famille de la patiente doit acheter un "set à épisiotomie" où il y a 10 compresses stériles, un fil, une paire de gants stérile et une seringue et une aiguille pour l'anesthésie locale. 10 compresses... et 1 fil... autant vous dire que pour moi c'était un challenge parce que jusqu'à présent sur une suture d'épisiotomie j'utilisais minimum 2 fils et minimum 10 compresses (lol). Mais bon, quand tu n'as pas le choix tu t'adaptes... et je me suis adaptée. Moi qui ne maîtrisait pas la technique du "1 fil, 1 noeud" en une journée j'ai su faire !

Voilà, je vais m'arrêter là pour cette première journée.

Prenez soin de vous

Dia

Ma patiente de 17 ans

Ma patiente de 17 ans

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