Garde du 9 février 2016

16/12/2019 21:36

As salam alaykoum. Non vous ne rêvez pas, il s'agit bien du 2éme article de la journée, mais etant donné que j'ai un peu de temps libre j'en profite pour écrire.

Je vais vous raconter ma deuxième garde au CHU Gaspard Kamara.

En arrivant le matin j'ai eu plusieurs surprises: la première fut de voir qu'on était 6... oui 6 étudiantes sages-femmes ce jour là !! Mais en parlant avec les filles (qui étaient très gentilles d'ailleurs) elles m'ont expliquées qu'elles étaient là entre 8h et 12h parce qu'elles ont cours l'après-midi. (Ouuuuf pour moi qui fait des gardes de 12h, soit 8h-20h).

Ma patiente de 17 ans que j'ai accueilli la veille était toujours là, toujours en souffrance, mais toujours merveilleusement courageuse. Son courage m'a tellement impressionnée... surtout qu'après l'avoir examiné et être retourné au bureau pour remplir mes papiers elle est venue me voir pour me demander d'aller voir sa voisine, parce que (je la cite) "Madame, va voir ma voisine, elle souffre trop ça me fait mal au coeur"... J'ai failli pleurer ! Ca m'a touché qu'elle s'inquiéte comme cela pour sa voisine, alors qu'elle-même était clairement algique... Je suis donc aller voir sa voisine qui est également une primipare de 20 ans avec qui j'ai passé un certain temps à la rassurer. Elle a fini par accoucher aux alentours de 9h30.

Revenons un peu en arrière... Le matin les SF de la nuit vont au staff (en faite il s'agit d'une "réunion" où l'obstétricien de garde, les médecins et sages-femmes de garde, ainsi que la maîtresse sage-femme sont présents afin de présenter les dossiers des patientes ayant accouchées la garde précédente et celles qui ont été hospitalisées). Ici les etudiantes sages-femmes (ESF) ne participent pas au staff (alors qu'ailleurs... en France par exemple (lol), les ESF ont le sale boulot de présenter les dossiers, de les transporter et de faire des aller-retour pour des photocopies ou jeter un coup d'oeil au monitoring...). Nous sommes donc toutes restées en salle de naissance à surveiller les patientes en pré-travail et celles en salle d'accouchement... Certaines des étudiantes en profités pour améliorer leur toucher vaginaux (malgré la douleur que cela provoquée chez les patientes...) tandis que d'autres tentées de rassurer les patientes et discutées avec elles.

Une fois le staff fini, les SF du jour et le médecin revenaient pour la visite des patientes en pré-travail. La SF faisait un premier tour en prenant les constantes (tension artérielle, température et fréquence cardiaque) et faisait un examen clinique à la patiente (examen des yeux, des seins, palpation abdominale et toucher vaginal). Tout cela aux yeux des 6 ESF présentes, du médecin assis au bureau (tel un roi... --°) et des autres patientes qui peuvent voir entre les paravents. Côté pudeur autant dire que ça laisse à désirer. Rajoutant à cela que la patiente est totalement mise à nu pour l'examen... J'espère que personne ne m'a vu lever les yeux au ciel à plusieurs reprises...

Dés que la SF a fini son tour, le médecin repasse à son tour, fait exactement le même examen tout en demandant au passage à la SF si elle était sûr de son examen... j'avais comme l'impression qu'il essayait de la mettre mal à l'aise ou de l'humilier... je ne savais pas trop...

Breeeef après cette visite qui a conclut qu'il fallait "diriger" toute les patientes (la direction du travail consiste à mettre des produits dans la perfusion afin d'accentuer les contractions utérines puis rompre la poche des eaux artificiellement pour faire avancer le travail), on s'est toute attelées comme des petits soldat pour poser une perfusion à toute les patientes et les mettre toute sous ocytocine de synthèse (l'ocytocine est une hormone naturellement produite par le corps et qui permet de donner des contractions utérines).

Mlle M, ma parturiente de 17 ans a également été perfusé et mise sous ocytocine, ce qui a d'ailleurs augmenté la fréquence et l'intensité de ses contractions et l'a remise sous un état de stress important. A bout de force elle demandait beaucoup plus d'attention et son jeune âge s'en ressentait encore plus.

Durant la matinée nous avons enchainé les accouchements (6 patientes sont passées sous nos mains). dans la matinée une 3éme geste de 39 ans était venu pour faire suturer la déchirure de son accouchement de la nuit. Durant la garde de nuit les SF lui ont dit que ce n'était pas nécessaire de la suturer... mais après avoir été examiné par une autre sage-femme en suites de couches elle a été orienté en salle d'accouchement pour la suture. Etant donné le nombre important d'étudiant, je me suis imposée et ait demandé à faire la suture. Comme il s'agissait d'une équipe différente de la veille j'avais encore eu droit au fameux "Tu sais faire une suture toi ?!"... Moi: "Oui, oui je suis en dernière année, je sais suturer..." La SF "D'accord, installe toi, c'est toi qui fera la suture". Une fois installée elle est revenue à la charge "Tu veux que je te montre ou est la déchirure ?"... Moi: "Non merci, je vois bien ou est la déchirure, de là à là.". La SF "Ok, mais tu veux que je fasse le premier point ?"... Je commençais un peu à me sentir vexé surtout qu'elle faisait cela devant la patiente et devant les autres étudiantes sages-femmes... Moi: "Non ça va aller"... et là intérieurement je me suis calmé et j'ai commencé ma suture sous les yeux de 8 personnes (infirmières, sages-femmes et ESF compris). Suture que j'ai bien réalisé et après cela j'ai pu gagner un peu plus de respect et beaucoup plus d'autonomie.

Dans l'après-midi aux alentours de 16h on a accueillie une primigeste de 16 ans qui consultait pour pré-éclampsie (pathologie hypertensive qui peut altérer les reins, le foie et le cerveau de la mère). Elle passe en salle d'accouchement et est laissée quasiment seule dans sa souffrance à crier après sa mère. J'essayais d'aller la voir toute les 15 minutes (non seulement pour contrôler le rythme cardiaque du bébé) mais également pour tenter de la rassurer. Malheureusement il y avait la barrière du langage, mais le contact physique est une langue universelle... Donc je la rassuré autant que je pouvais. Nous l'appelerons Mlle H.

Aux alentours de 17h30, ma primipare de 17 ans Mlle M passe en salle d'accouchement étant donné qu'elle est à dilatation compléte !! (J'étais très heureuse pour elle et en plus je voulais secrètement l'accoucher...). C'est à ce moment là que Mlle H fait une crise d'éclampsie (ceux sont des convulsions). C'était très très impressionnant, surtout que j'en avais jamais vu... En France les pré-éclamptiques sont hospitalisées et surveillées comme du lait sur le feu... au moindres signe on déclenche l'accouchement ou on fait une césarienne.

On la passe sur un lit de pré-travail pour... écoutez bien, l'ATTACHER !! Oui, oui, pour l'attacher au lit ! Mais attention on ne l'a pas fais pour nuire à la patiente mais pour protéger son abdomen (donc son bébé) parce que les convulsions sont très violentes et on avait du mal à la calmer. Pour les connaisseurs, on lui a injecté son valium puis on lui a posé une sonde à démeure, on l'a rasé pour le passage au bloc pour une césarienne en urgence... qui s'est faites 35 minutes après ... lol Bonjour l'urgence !! Mais bon, on est au Sénégal... Le bébé était toujours vivant parce que je surveillais les bruits du coeur... Une fois que l'équipe a enfin été réunis (sans que personne ne soit préssé... évidemment !!) elle est passé au bloc puis mise sous sulfate de magnésium (qui est un neuroprotecteur).

Passons à Mlle M qui a brillamment accouché à 18h30, coaché uniquement par moi (j'ai demandé à la SF de faire son accouchement seule, parce que je sentais une "connexion" entre nous). Elle a très bien accouché d'un garçon. Elle a eu droit à une épisiotomie comme quasiment toute les primipares du CHU... J'étais très heureuse de faire son accouchement et d'avoir fais un suivi global de cette patiente. Elle a été très courageuse et elle restera à jamais dans ma mémoire...

Mlle H a été césarisé finalement à 18h25 (ah lala...) quasiment 1h après sa crise d'éclampsie. Le bébé au eu une réanimation néonatale (enfin... a été aspiré puis suspendu la tête en bas) et va bien, Dieu merci.

20h: sortie de garde, j'attend que la SF fini de remplir ses papiers afin de remplir ma validation de garde et là... une patiente primigeste de 26 ans vient en urgence pour expulsion d'un foetus de 21SA (soit un peu plus de 5 mois de grossesse). C'était ma première expulsion... j'étais impressionnée. Surtout qu'on m'a donné des gants et on m'a dit de l'aider à l'expulsion... personne n'a entendu ma petite voix qui disait "Mais... je n'ai jamais fais d'expulsion". J'ai quand même pris sur moi même et j'ai aidé à expulser ce petit foetus de la taille de la paume de ma main totalement bien formé... qui gaspait (mouvement qui s'aparente à des mouvements respiratoires).Je n'avais qu'une hâte: qu'il arrête de gasper... On aurait dit qu'il souffrait et tenter de trouver de l'oxygène... comme un poisson hors de l'eau. Il a été pesé (300 grammes) puis enroulé dans un linge et mis de côté... non loin du nouveau-né de Mlle M et Mlle H, qui dormaient paisiblement...

C'était un peu dur de finir ma garde sur cela, mais j'ai pris sur moi, je me suis rhabillée et je suis rentrée raconter ma journée à ma famille, en ne racontant que le meilleur, évidemment. Parce que je fais "le plus beau métier du monde" et un des plus dur... surtout quand on est seule.

Prenez soin de vous,

Dia

Le bébé de la pré-éclamptique, la pré-eclamptique seule en salle d'accouchement, puis attachée au lit et enfin une photo du "set à césarienne" que sa famille est allée chercher (gratuitement vu l'état urgent de sa situation)

Le bébé de la pré-éclamptique, la pré-eclamptique seule en salle d'accouchement, puis attachée au lit et enfin une photo du "set à césarienne" que sa famille est allée chercher (gratuitement vu l'état urgent de sa situation)