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Yarou Dia

Suivez mes aventures d'étudiante sage-femme française en immersion dans une maternité sénégalaise.

Garde du 16 au 17 février

As salam alaykoum,

La nuit du 16 au 17 février fut l'une des plus calme que j'ai connu. Quand on a prit notre garde cette nuit là il n'y avait qu'une patiente en travail. Il y avait 2 bébés de césarienne de la journée dans le coin bébé.

Nous étions 4 étudiantes sages-femmes et 2 étudiants en 5éme année de médecine. Nous avons profité de ce début e garde très calme pour réviser nos cours et rigoler un peu! Ça m'a bien détendu et ça m'a permit d'apprendre comment fonctionnait les études en médecine au Sénégal et les études de sage-femme. Ici les études durent 3 ans, les étudiantes sont le matin en stage et l'après-midi en cours et de temps en temps elles font des gardes de 12h la nuit. Autant dire que c'est un rythme soutenu! Un rythme que je n'aurais jamais pu suivre, étant donné que les cours d'obstétrique, de pédiatrie, d'hygiène, de bactériologie, de gynécologie et j'en passe sont lourds et prennent un certain temps à être assimilé... Je ne me plaindrais plus jamais de mes 5 ans d'études =D lol.

En milieu de nuit nous avons reçu une 3éme geste qui a très vite accouchée d'une fille. Elle fut très calme, j'ai presque cru qu'elle était sous péridurale ! Elle n'a pas élevée une seule fois la voix. Son enfant allait très bien dés les premiers instants.

Garde du 16 au 17 février

Ici les enfants des femmes qui ont eu une césarienne restent sous lampe chauffante tous seuls le temps que leur mère est surveillé au bloc opératoire... cela peut parfois durer 24h...

Autant vous dire que les enfants sont seuls un certain temps emmailloté dans leur pagne... J'ai eu un pincement au coeur de les voir ainsi, j'ai donc décidé de tous les chouchouter un par un. Ils ont donc tous eu droit à un câlin et ceux qui étaient là depuis plusieurs heures ont eu droit à du lait administré par seringue pour ne pas atterrer leur succion au sein.

C'était très plaisant que ça soit une nuit calme. Je me suis sentie détendue. Les sages-femmes étaient en salle de garde et les étudiants dans la salle de pré-travail.

Garde du 16 au 17 février
Garde du 16 au 17 février
Garde du 16 au 17 février

A 6h40 nous avons eu notre 2éme accouchement de la soirée. Ce fut très rapide également. Chez une multipare qui a été exceptionnellement calme aussi. Si je n'étais pas présente dans la salle d'accouchement je n'aurais jamais pensé qu'une personne accouchée... J'ai tellement été habitué à des cris et des hurlements que cela m'a surprise. Est née une fille, bien portante. C'était la nuit des filles!

Garde du 16 au 17 février
Garde du 16 au 17 février

Nous avons ensuite reçu une 4éme geste de 30 ans qui consultait pour contractions utérines. Elle était en travail. Elle était à bout de force, elle était également algique. Elle demandait beaucoup d'attention malgré que ce soit le 4éme enfant qu'elle mettait au monde. Elle m'a confié qu'elle n'avait jamais été aussi algique. Je suis restée auprès d'elle à la masser et à discuter entre 2 contractions. Elle avait beaucoup de chose à raconter.

Les autres étudiants m'observaient sans rien dire. Ils devaient surement se dire "Quelle genre de personne prend le temps de discuter avec les malades?" ... Oui, ici les patientes sont appelées des malades. Je suis la seule à les appeler "patientes", ce qui rajoute un peu plus à ma bizarrerie (je suppose).

A un moment donné ma patiente craque et se met à pleurer. Le travail avançait lentement, avec la fatigue et la solitude (les patientes n'ont pas d'accompagnant auprès d'elle, ce dernier attend derrière la porte de la maternité sur un banc destiné aux accompagnants). Elle pleure dans mes bras et me supplie d'aller chercher son mari. Je lui répond que je n'ai pas le droit de faire rentrer un accompagnant. Elle me supplie encore. Je n'arrive pas à (ou plutôt je ne veux pas) lutter... Je me léve donc sous le regard surpris des étudiants pour aller chercher son mari. J'ai profité du calme de la salle de pré-travail, de l'absence de trop de patientes (il n'y avait que 2 femmes dans la salle à ce moment là) et SURTOUT de l'absence des sages-femmes. J'ai donné l'autorisation à son mari à rester quelque minutes auprès de sa femme. Il a été très soutenant, lui massant le dos, il lui chuchotait d'être courageuse et de ne pas désespérer. Il était présent. C'est ce qu'elle voulait. Elle a pleuré un long moment dans ses bras...

Je m'étais mise à l'écart. Une des étudiante est venue me voir pour me dire de le faire sortir avant que les sages-femmes ne viennent sinon j'allais avoir des problèmes. "Oui, oui je leur laisse encore 10 minutes et je le fait sortir". Dans ma tête je voulais plutôt le laisser jusqu'à l'accouchement, mais bon, les règles sont les règles. Lorsque les 10 minutes sont passés, je me suis sentie mal d'aller demander au mari de sortir. Je lui ai promis qu'on prendrait bien soin de sa femme, qu'il n'avait pas à s'inquiéter. Nous avons bien prit soin d'elle, mais il faut avouer que personne ne sait soutenir aussi bien qu'un mari aimant sa femme. Je ne peux pas rivaliser, même si je suis la meilleure personne au monde.

Garde du 16 au 17 février

Deux lits plus loin se trouvait une autre patiente. La primipare de 23 ans qui était très silencieuse après son accouchement dont je vous parlais dans l'autre article a été transféré en urgence. Trois jours après son accouchement, en suite de couches, la patiente a développé deux des complications des suites de couches. Elle a eu ce que l'on appelle une endométrite (une infection de l’endomètre qui est le muscle utérin). L'endométrite donne comme symptôme une fièvre, une douleur abdominale importante, une mauvaise involution utérine (l'utérus ne reprend pas bien sa place initiale) et surtout le symptôme à côté du quel on ne peut pas passer: les lochies (saignements des suites de couches) sont fétides... oui fétides ! L'odeur se sent à des kilométres. On ne peut pas passer à côté d'une endométrite.

La 2éme complication de cette jeune femme était un thrombus périnéale. C'est un thrombus c'est lorsqu'un vaisseau se détruit au niveau périnéale et a pour conséquence de se vider de son sang provoquant une hémorragie interne qui ne peut pas se résorber seule étant donné qu'il n'y a pas de porte de sortie. Le thrombus (les plus courageux pourront aller jeter un coup d'oeil sur google image) est très douloureux, en obstétrique on dit que la douleur est "exquise" et se rapprocherait de la douleur de l'accouchement! C'était très impressionnant de voir la grande lèvre de cette patiente aussi enflée... Le traitement du thrombus est de faire un bilan pré-opératoire en urgence et de drainer le sang qui s'est collecté et colmater le vaisseau qui saigne sinon la femme va se vider de son sang. Il s'agit donc d'une urgence chirurgicale!

Mais bon, ici on n'a pas la même définition de l'urgence. La patiente présente cette complication depuis le matin-même, elle a été transféré en salle de pré-travail à 23h30, son bilan pré-opératoire a été prélevé à 04h du matin. Sur ce dernier on peut clairement voir que la patiente s'est déglobulisé (a perdu beaucoup de sang). En effet elle passe de 10.9 d'hémoglobine à 5.5 !!! (La norme pour une femme étant entre 12 et 16g/dl... La patiente était donc en anémie sévère. Cela se voyait cliniquement... elle était pâle (plus pâle que le jour de son accouchement), ses conjonctives palpébrales (au niveau des yeux) étaient pâles et elle était très fatiguée et essoufflée. Oui mais voilà, il a été décrété qu'on devait la surveiller cliniquement et surveiller ses constantes durant la nuit et que la décision de drainer le thrombus sera pris le matin, même si elle est à 5.5 d'hémoglobine avec un mauvais état général.

Ma fin de garde a été marqué par cette surveillance.

Son thrombus ne sera drainé qu'en début d'après-midi.

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Tôt le matin 7h45 (évidemment 15 minutes avant la fin de ma garde et après le départ de tous les étudiants qui avaient cours), j'ai reçu en salle de tri une 3éme geste de 36 ans qui consultait pour suspicion de rupture des membranes.

A l'examen clinique elle avait un bon état général et présentait quelques contractions utérines fugaces. Au vue de son état et de son visage, je savais qu'elle n'était pas en travail et que j'allais devoir lui dire de rentrer chez elle. En l'examinant au toucher vaginal j'avais un col très postérieur (or pour accoucher il faut que le col "s'avance" et il faut qu'au toucher vaginal on tombe directement dessus), était encore long (or il faudrait qu'il se raccourcisse), était ramolli (le plus grand degré de maturité du col est "souple" donc il restait encore un peu) et il n'était dilaté qu'à un doigt (or il faut qu'il soit à au moins 4-5 cm de dilatation avec des contractions utérines régulières pour parler de "travail" et prétendre accoucher) avec une tête foetal non perçu dans l'air de dilatation (en gros la tête était encore haute dans le bassin). Je lui ai expliqué tout cela, ait pris ses constantes, ait rempli les papiers. Je lui ai dis qu'elle rentrerait chez elle, qu'elle allait prendre du spasfon si jamais elle avait mal et d'attendre que les contractions soit réguliers. Au final elle n'avait pas rompue les membranes. Je les percevais au toucher vaginal.

Après avoir fait tout cela, je suis allé réveillée une des sages-femmes de garde pour qu'elle vienne confirmer mon diagnostic (je ne peux pas en tant qu'étudiante prendre la responsabilité de faire rentrer une patiente sans en parler aux sages-femmes). Après confirmation la femme, que l'on appellera Julie, est rentrée chez elle, un peu déçu... Je serais amené à revoir Julie, à la garde suivante où je l'accoucherait ^^. Je vous raconterais prochainement.

Ma garde s'est fini sur cela. Je me suis changée et je suis rentrée dormir... même si j'ai pas beaucoup travaillé je me sentais très satisfaite de ce que j'avais accomplie ! Al hamdoulilahi

La prochaine fois ce sera ma dernière garde de salle de naissance que je raconterais.

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