Garde du 18 février

16/12/2019 21:35

As salam alaykoum! Je vais vous raconter ma dernière garde en salle d'accouchement (plus de deux semaines après... désolé j'avais pas beaucoup de temps !)

Ma dernière garde de nuit a été une garde calme, donc ne vous attendez pas à ce que cet article soit long...

Nous étions 7 étudiants: 5 étudiantes sages-femmes + moi et une étudiante médecine en 5éme année, avec les 2 sages-femmes de garde, l'infirmière et l'aide. Autant dire que nous étions très nombreux!

En salle d'accouchement se trouvait une primipare (Mme T) très jeune mais aussi et surtout très inquiète. Son travail a duré toute la journée et elle était très soulagée d'apprendre qu'elle était à dilatation complète aux alentours de 23h00. Elle a donc été déplacé en salle d'accouchement et mise sur un lit alors que la tête de l'enfant n'était pas encore descendu dans le bassin de la mère. Il faut savoir que chez les primipares la dilatation du col et la descente du bébé dans le bassin maternel se font l'un après l'autre et jamais en même temps. Une fois à dilatation complète une patiente peut rester ainsi pendant 3h de temps pour permettre au bébé de descendre dans le bassin. Au bout de 3h de temps on peut décider de faire une césarienne ou une extraction instrumentale si les techniques comme le positionnement de la patiente (la mettre dans différente position pour permettre au bassin de "s'ouvrir") ou l'utilisation d'ocytocine de synthèse (hormone qui régularise les contractions) ne fonctionnent pas. Or Mme T a été déplacé beaucoup trop tôt en salle d'accouchement et mise en position gynécologique pour pratiquer l'accouchement... Elle a tenté de pousser durant 30 minutes mais l'enfant était toujours très haut. Ce qui a rendu la sage-femme impatiente qui élevait de plus en plus la voix. Evidemment tout cela devant les yeux de tous les étudiants présents ce jour là. Au final nous avons écouté les bruits du coeur foetal pour s'assurer de sa bonne vitalité puis elle a laissé la femme sur le lit, sur le dos, seule...

On a tous quitté la salle d'accouchement pour aller vaquer à nos occupations (dormir pour les sages-femmes, surveiller les patientes en début de travail pour les étudiantes). Je suis retournée dans la salle d'accouchement quelques minutes après pour mettre la femme sur le côté gauche pour aider la tête de l'enfant à descendre dans le bassin. En effet cela permet "d'ouvrir" et d'agrandir le passage pour l'enfant. J'ai également prit l'initiative de surveiller les bruits du coeur toute les 10 minutes et je suis restée auprès d'elle pour la soutenir. Même s'il s'agissait de ma 12éme garde j'étais toujours aussi touchée par la souffrance des femmes. Je voulais pour cette dernière garde restait moi-même et faire le maximum que je pouvais pour mes patientes. Aux alentours de 00h15 elle sent que "ça pousse dans les fesses", généralement un bon signe de la descente et de l'arrivée imminente de l'enfant.

J'appelle la sage-femme qui s'installe pour l'accouchement. Je pensais qu'elle allait d'emblée me proposer de faire l'accouchement, mais voyant qu'elle ne proposait rien j'ai enfilé des gants et lui ait demandé si je pouvais l'accoucher. Elle a accepté et s'est reculé non sans me chuchoter à l'oreille de faire une épisiotomie. J'ai répondu que si c'est nécessaire j'en ferais une mais que si la seule indication était la primiparité de la femme ça ne vaut rien.

Tous les yeux étaient braqués sur moi parce qu'à un moment donné j'ai dis à la sage-femme de reculer un peu... En effet elle s'était préparée à faire une expression du fond utérin pour "aider l'enfant à sortir". Il s'agit de monter sur le ventre de la maman et d'appuyer très fort dessus pour faire descendre l'enfant... or c'est très douloureux et très délétères pour l'utérus, pour le périnée et pour le bébé... Je lui ai donc dis "Non pas besoin d'expression, je sens que cliniquement ça peut passer". Sous mes doigts je sentais que le périnée était assez bien pour laisser passer la tête sans aide ni épisiotomie. De plus Mme T poussait très bien! Deux/Trois étudiantes m'ont dit de couper "parce que c'est une primi". J'ai du encore me justifier "Non ça passera sans couper, le périnée est souple.". Je m'y suis prise doucement pour dégager la tête de l'enfant et préserver au mieux le périnée de la patiente. J'ai également laissé le temps à la tête du bébé de distendre le périnée.

00h30 elle accouche d'un garçon.... sans épisiotomie !! Elle a tout de même au ce que l'on appelle des "éraillures" qui sont comme des égratignures. Une des étudiantes a sorti "Bah dis donc elle a eu de la chance celle là, elle n'a pas eu d'épisio". J'ai donc répondu que l'épisiotomie est un geste traumatique et médical qui nécessite de prendre une décision mûrement réfléchi. On ne devrait pas faire d'épisio sans avoir évalué cliniquement si la tête passera ou non ou si l'enfant est en souffrance et nécessite de sortir le plus rapidement possible! Bien évidemment elles ont appris tout cela en cours... et bien évidemment elles le savent ! Mais je pense qu'il y a beaucoup de pression sur les épaules des sages-femmes pour qu'elles fassent toujours très vite les accouchements... d'où l'utilisation de l'épisiotomie de façon systématique et de la pression du fond utérin.

La garde a été vraiment TRES calme! Entre deux surveillances des patientes algiques nos yeux se fermaient.

Aux alentours de 2h du matin nous avons accueilli une 2éme pare qui était à un stade avancé du travail... tellement avancé que 20 minutes après son arrivée elle accouchait! L'accouchement a été réalisé par l'étudiante en médecine.

Une fois l'accouchée réinstallée elle me demande d'approcher. Ce que je fais. Et quelle surprise! Il s'avère qu'on s'était déjà rencontré! Je l'avais vu quelques jours avant. Je l'avais accueilli un jour quand elle pensait être en travail alors qu'il ne s'agissait que d'un faux travail. Après cela elle avait consulté 2 autres centre de santé car elle espérait que je me trompais... Elle a eu le même diagnostic dans les autres centres. Elle était contente de me revoir. Elle m'a demandé de rester un peu avec elle pour discuter. Comme il n'y avait pas beaucoup de travail je me suis permise de m'installer à côté d'elle pour discuter. Nous avons beaucoup parler et surtout beaucoup rigolé! Les sénégalaises sont incroyables ! Elles ont beaucoup de conversations, de courage et de force! Je les admire encore plus pour les avoir côtoyés dans ce moment très spéciale dans leur vie: mettre au monde leur enfant ! Puis il a fallu la repréparer pour qu'elle passe en suite de couches. Je l'ai aidé à se préparer et je l'ai accompagné en suite de couches.

Est-ce que vous vous rappelez de ma patiente Julie ? Ma multipare de 36 ans que j'ai accueilli à ma garde précédente (dont je vous ai parlé dans l'article précédent).

Julie est donc revenu vers 3h30, elle était très douloureuse et avait beaucoup de contractions utérines, mais elle n'était pas en travail. Nous l'avons envoyé marcher pour permettre d'accélérer les choses. Elle est revenu 30 minutes plus tard parce qu'elle ne pouvait plus gérer ses contractions. Nous l'avons donc installé en salle d'accouchement à style libre.

15 minutes plus tard elle m'appelle pour que je l'examine car elle sent une pression au niveau du vagin. Je l'examine et elle se trouvait à 7cm avec la poche des eaux qui était encore intacte et le coeur du bébé était parfait. Il faut donc encore attendre. Je la soutien, on respire ensemble. Je la masse. Elle se calme; Je retourne sur mon fauteuil et ferme les yeux pendant ce qui m'a paru être 3 secondes... Je les ai ouvert en sursaut parce qu'à 04h30 elle hurlait de douleur. Je me lève en catastrophe, dans la précipitation je n'ai pu mettre qu'un seul gant... à la main gauche !!! Alors que je suis droitière !! lol. Bref j'enfile mon unique gant je jette un coup d'oeil dans la salle à style libre et je vois le sommet du crâne de l'enfant entre les jambes de Julie! Je crie "Il me faudrait un set d'accouchement!" avant de me jeter... oui littéralement me jeter, vers le crâne de l'enfant pour la retenir (j'ai retenu pour me donner le temps d'avoir un 2éme gant mais surtout pour qu'elle ne se déchire pas). Une étudiante me ramène le matériel d'accouchement et une autre le 2éme gant que j'attendais tant. Julie était très douloureuse. Je l'aide à se calmer "Julie, regarde moi, je suis là, calme toi, calme toi". Elle était assise et moi à genoux. C'était pas la meilleure façon de faire un accouchement mais nous l'avons fais! Elle a magnifiquement accouchée à 4h45 d'un magnifique garçon... et moi j'ai étais magnifiquement arrosée avec du liquide amniotique sur mes avant bras et mes jambes...

En faite ce qui s'est passé c'est qu'une fois qu'elle a rompu la poche des eaux l'enfant a quasiment "glissé" (oui c'est pas jolie mais c'est pour vous expliquer lol) et est sorti. Chez les multipares les accouchements peuvent être très très rapide et en "boulet de canon". Ce genre d'accouchement favorise les déchirures du périnée si la tête n'est pas bien retenu. Contrairement à la primipare chez la multipare la dilatation du col et la descente de l'enfant dans le bassin se font en même temps.

L'enfant allait très bien, il a crié, Julie a été soulagé et m'a remercié. Cet accouchement en catastrophe m'a réveillée et m'a mise de bonne humeur malgré le fait que j'étais très sale!

J'étais très très heureuse de finir ma garde sur cet accouchement!

Voilà... mon stage en salle de naissance au Sénégal se fini ainsi!

J'ai ensuite fais 2 semaines de suites de couches dans le même hôpital.

Merci de m'avoir lu ! Merci à l'hôpital de m'avoir accueilli ! Merci aux sages-femmes mais surtout merci aux merveilleuses patientes qui m'ont ému avec leur innocence, leur jeunesse, leur douleur, leur joie, leur choc, leur bébés. Je les remercie de m'avoir fais tomber amoureuse encore une fois de mon métier !

Je n'ai pas écrit beaucoup d'articles parce que mes gardes se ressemblaient, je ne voulais pas être répétitive. J'ai donc raconté les gardes intéressantes. (Désolé pour les nombreuses fautes, parfois j'écrivais avec l'émotion et je ne me relisais pas avant de poster!)

Prenez soin de vous,

Dia